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10 mai 2010 1 10 /05 /mai /2010 17:41

 

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Monsieur Sosthène Munyemana


Communiqué 

Monsieur Munyemana a choisi d'assigner devant le tribunal de grande instance de Bordeaux l'association Cauri ainsi que des personnes ayant participé à l'action du Collectif girondin pour le Rwanda, reconstitué en janvier dernier, au motif qu'un « préjudice moral » lui aurait été infligé en n'ayant pas respecté à son égard la « présomption d'innocence ».

Notre réaction première est de considérer le dépôt de cette plainte comme une  provocation par rapport à la mémoire des victimes du génocide. L'histoire retiendra qu'au « pays des droits de l'homme », ce sont davantage les rescapés et leurs proches qui se trouvent devoir répondre de leurs actes devant les tribunaux tandis que les personnes accusées d'avoir pris part au génocide ne sont toujours pas jugés alors que des plaintes ont été déposées depuis une quinzaine d'années. Au-delà de cette remarque générale qui remet en perspective cet événement, il est utile de rappeler l'enchaînement des circonstances qui a conduit à la reconstitution du Collectif girondin pour le Rwanda ces derniers mois.

Une plainte a d'abord été déposée à Bordeaux en octobre 1995 contre Sosthène Munyemana pour "tortures, traitements inhumains et dégradants", cette plainte ayant été requalifiée en janvier 1996 suite à l'introduction du crime de génocide dans le code pénal français. Plus tard, suite au regroupement des dossiers « rwandais » à Paris,  une autre plainte a été déposée en 2001, par le Collectif des parties civiles pour le Rwanda. A ce jour,  Munyemana n'a pas été jugé, comme une quinzaine d'autres personnes accusées d'avoir participé au génocide et qui résident en France

Après plusieurs années de silence, l'affaire Munyemana a de nouveau été évoquée dans la presse au mois d'octobre dernier. A l'hôpital de Maubeuge, une personne ayant eu une altercation avec le médecin Eugène Rwamucyo, a découvert que ce dernier était recherché par Interpol, étant accusé d'avoir participé au génocide des Tutsi du Rwanda en 1994. Elle a alerté la presse. Les articles qui ont été alors publiés ont associé le cas de  Rwamucyo à celui de Munyemana également recherché par Interpol depuis 2006 pour des faits de génocide et ayant aussi exercé en tant que médecin à l'hôpital de Butare au Rwanda.

A la suite de ces articles, Sosthène Munyemana a cru bon de réagir en parlant de « calomnies » de « lynchage » et en se présentant comme la victime d'un « règlement de comptes entre la France et le Rwanda ». Il a même appelé à la rescousse Pierre Péan qui a invoqué pour le défendre la « culture du mensonge » (traduction libre du terme kinyarwanda 'ubwenge') qui expliquerait les prétendues fausses accusations qui le visent.

Devant de pareilles déclarations, il n'était pas possible de continuer à se taire. Car si Monsieur Munyemana peut se prévaloir  en France de la présomption d'innocence puisque la justice française ne s'est toujours pas prononcée, il n'est pas pour autant absous des accusations dont il fait l'objet. Il n'est pas non plus interdit de mentionner qu'il a été condamné en 2008 à la prison à perpétuité dans son propre pays pour sa participation au génocide ou encore qu'en France,  la Cour nationale du droit d'asile lui a refusé la même année le statut de réfugié politique en invoquant expressément les soupçons qui pèsent sur lui

En réalité, les témoignages qui mettent en cause le comportement de Sosthène Munyemana durant le génocide, émanent de plusieurs enquêtes qui ont été menées séparément. Elles figurent dans des ouvrages, des rapports d'organisation non-gouvernementales, des articles de presse, des reportages audiovisuels ou  encore de nombreux sites internet. On peut alors s'étonner que le docteur Munyemana et ses conseils, qui ne peuvent ignorer tous ces documents, n'aient pas jugé bon d'assigner devant les tribunaux leurs auteurs respectifs.

Si nous avons réagi aux propos de Munyemana parus au mois d'octobre, nous l'avons fait en rappelant seulement que l'affaire n'est toujours pas jugée - ce qui est en soi une situation inacceptable - et que le crime de génocide est imprescriptible. Face à ce que nous considérons comme une  manœuvre de diversion et d'intimidation de la part d'un groupe de pression dont les intérêts et les objectifs, dépassent ceux du docteur Munyemana, nous en appelons à la solidarité militante en faveur de la liberté d'expression la plus élémentaire, à la reconnaissance du droit à la justice pour les rescapés et leurs proches et à la  défense de la mémoire des victimes du génocide des Tutsis du Rwanda.

Le Collectif girondin pour le Rwanda

Bordeaux le 10 mai 2010

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